L’affaire secoue la ville de Korhogo et ravive les inquiétudes d’une population déjà éprouvée par les violences liées à l’orpaillage clandestin. Le 23 juin 2025, alors que Yéo Siriki, grièvement blessé lors d’une agression armée survenue quelques jours plus tôt, se rend au Centre Hospitalier Régional pour une opération chirurgicale, un événement inattendu vient bouleverser le cours des choses : son accompagnateur, Soro Issouf, est interpellé sans explication par des éléments de la gendarmerie de Niofoin.
Ce geste brutal, survenu à la sortie de la ville, alimente immédiatement une vague d’incompréhension. Soro Issouf, connu pour son implication dans les actions citoyennes et la cohésion sociale, n’est pas un inconnu. Selon plusieurs habitants, il faisait partie d’un petit collectif œuvrant discrètement pour identifier les auteurs de violences qui, de manière répétée, endeuillent la région. Pour certains, son engagement lui aurait valu cette arrestation, perçue comme un signal glaçant envoyé à ceux qui osent briser le silence sur les dérives sécuritaires.
L’histoire s’inscrit dans une trame plus large, marquée par des épisodes encore vifs dans la mémoire locale. Moins d’un an auparavant, le frère cadet de Soro Zié Samuel – une figure locale respectée pour sa dénonciation de l’orpaillage illégal – était assassiné dans des circonstances non élucidées. L’arrestation de Soro Issouf, dans un contexte aussi tendu, ne peut que raviver les soupçons d’une justice à double vitesse et d’une volonté tacite de museler toute voix dissidente.
À Korhogo, les langues se délient doucement, mais la peur reste palpable. Nombreux sont ceux qui se demandent si les forces censées protéger les citoyens ne se retournent pas, au contraire, contre ceux qui tentent de défendre l’intérêt collectif. Cette arrestation résonne alors comme une énigme troublante dans un Nord ivoirien en quête de paix et de vérité.
L’absence totale de communication officielle ne fait qu’amplifier le malaise. Aucune clarification, aucune justification, comme si les faits pouvaient se dissoudre dans le silence. Or, ce silence, loin d’apaiser les esprits, creuse davantage le fossé entre la population et les autorités. Pour beaucoup, la ligne est désormais fine entre maintien de l’ordre et intimidation.
L’affaire Soro Issouf n’est peut-être qu’un fragment d’une réalité plus complexe. Mais elle illustre crûment les tensions latentes dans une région où la confiance dans les institutions s’effrite, à mesure que les citoyens prennent conscience de leur isolement face à l’impunité.
À Korhogo, l’attente se fait longue. L’attente d’une explication. L’attente d’un geste d’apaisement. L’attente, surtout, d’un État qui protège, et non qui soupçonne.
Estelle Mintanie