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Plus de 120 000 pains baguettes sortent chaque jour des 24 boulangeries de Gagnoa. Cinq de ces boulangeries vendent plus de 85 % de leurs pains au comptoir. Les 19 autres sont quasiment tributaires de 500 livreurs et vendeuses à la criée qui réalisent environ 98 % des ventes quotidiennes, révèle le président honoraire du syndicat des boulangers de Gagnoa,

Hamza Touré. Une journée passée avec ces livreurs de pains nous a permis d’en savoir davantage sur leur travail, de comprendre le circuit qu’emprunte le pain, disponible dès 6 H, parfois avant, chez le gérant de kiosque à café, chez la vendeuse de « pain-condiment » ou encore chez le boutiquier du coin.

Le livreur, ce maillon qui gagne son pain à la sueur de son front

« Prends pain 100 F CFA, mets boulettes de viande pour 300 FCFA et pomme de terre 100 FCFA. Surtout pas d’huile, mais beaucoup de condiments frais », commande une jeune dame, agent du tribunal de Gagnoa. « C’est à peu près ce qu’elle prend tous les matins avant de rejoindre son bureau », témoigne la vendeuse, « Jolie Maman », comme l’appellent tous ses clients. Interrogée sur son secret pour avoir, à tout moment de la journée, du pain croustillant, elle répond : « c’est grâce à mon livreur ». Ce dernier, qu’elle pointe du doigt, s’apprête déjà à repartir sur sa moto. Approché, il nous donne rendez-vous le lendemain à 5H45, devant « Boulangerie moderne du Goh », au quartier Dioulabougou-Bourse du travail. À l’heure et au lieu indiqués, Fofana Yacouba, qui exerce ce métier depuis 2012, nous attend.

Le travail se fait sept jours sur sept. « Sachez que les gens consomment plus de pain le samedi et le dimanche, vu que toute la famille est en place. A priori, c’est un bon business, mais c’est vraiment pénible pour un faible revenu… », lance ‘’Fof’’, comme l’appellent ses amis. Quelques minutes d’échanges avec les employés de la boulangerie, puis, l’homme vêtu d’un tee-shirt d’une propreté douteuse, muni de trois sacs vides de farine de 50 kg chacun et brunis par la poussière, s’avance d’un pas assuré à l’intérieur de la boulangerie. L’un des sacs en bandoulière, il traîne les deux autres derrière lui. « Viens m’aider », lance-t-il à l’un des employés. « Je gagne combien dans ton affaire et tu veux que je t’aide ? », lui rétorque l’autre jeune homme. Non loin d’eux, une importante quantité de pains baguettes est sortie du four depuis 3H30. Tout seul, Fofana fait son plein de pains. Au total, 105 pains baguettes. Le compte est fait avec le caissier à qui il donne rendez-vous le lendemain pour le règlement de la facture.

« Il me faut faire quatre à cinq tours dans la journée », révèle Fofana, indiquant qu’il ne peut charger qu’une centaine de pains sur sa moto par voyage. Une sorte de bretelle percée dans le haut des sacs, lui permet d’en prendre un sur chacune de ses épaules, et de poser le troisième sur le guidon de l’engin. Il enfourche sa moto. Nous le suivons. Direction, le quartier Sokoura où dans une boutique de fortune, 50 pains sont déposés. Dès lors, le rythme s’enchaîne. Dans une boutique, 30 pains puis 35 autres chez une vendeuse de « pain-condiment » non loin du petit-marché de Dioulabougou.

« C’est ainsi toute la journée », renchérit Lasso, un autre livreur qui s’approvisionne à la boulangerie Samaké. Il relate que chaque jour, il part avec 550 à 600 pains, pour respecter ses engagements auprès des neuf boutiquiers et cinq revendeuses du quartier Commerce, de la grande gare, ainsi que du Camp fonctionnaire. Il précise qu’en principe, chaque livreur a sa clientèle propre, et chaque boulangerie ses livreurs. Chacun gère son business, même si confesse-t-il, « on glisse un peu sur le terrain de l’autre ».

Comment s’opère le calcul du revenu de chacune des parties

Boulangers, livreurs, détaillants. Voici les acteurs qui se partagent les 150 FCFA que payent les consommateurs pour obtenir un pain baguette. Lasso explique qu’avant le mois de janvier 2023, les boulangeries cédaient la baguette à 90 FCFA au livreur. Ces derniers le revendaient à 125 FCFA au boutiquier qui le concédait à son tour à 150 FCFA au consommateur. « Notre marge bénéficiaire était de 35 FCFA par pain vendu », révèle-t-il. « C’était difficile, mais on tenait le coup », fait-il observer. « Malheureusement », confie le livreur, depuis la dernière augmentation du sac de farine, qui est passé d’environ 19 000 FCFA à plus de 26 000 FCFA en janvier 2023, « c’est compliqué ».

Tous les livreurs rencontrés dans la ville de Gagnoa admettent qu’ils achètent actuellement le pain baguette à 115 FCFA à la boulangerie, le livre à 135 FCFA à l’épicier qui le revend au consommateur à 150 Francs. Prix homologué par l’État. « Comment s’en sortir, vu que c’est dans cette marge de 20 FCFA que nous entretenons notre moto et assurons le carburant pour les livraisons », s’exclame Mohamed, un autre livreur exerçant pour la boulangerie au quartier Catalina. Il explique que le livreur se retrouve avec moins de 10 FCFA de bénéfice pour chaque pain vendu. En plus, les pains invendus ne sont ni repris ni échangés par la boulangerie et donc, ils doivent être payés par le livreur.

Mohamed ajoute que ceux qui livrent le pain dans la ville de Gagnoa, et ceux qui parcourent les villages ne sont pas logés à la même enseigne. Ces derniers, au vu de la distance qu’ils parcourent et des difficultés sur les pistes, ont une autre faveur. Cette information est confirmée en partie par le porte-parole de la structure informelle de l’association des livreurs, Soh Mohamed dit Jordan, livreur en zone rurale. Il collabore avec la boulangerie « Jardin sans Fleur » de Dioulabougou. « Mon empaquetage, c’est avant 4H du matin », confie-t-il, précisant que les villages constituent sa zone de vente, notamment Ony Tabré, Ony Babré, Mahidio. Autant de villages où il assure la livraison deux fois dans la journée.

« C’est vrai qu’aujourd’hui, on a du pain à 100 FCFA, contre 115 FCFA pour nos frères qui vendent en ville. Mais c’est vraiment peu », fait remarquer le syndicaliste. Outre les points de contrôle tenus par des forces de l’ordre, où il faut montrer « patte blanche », en numéraires et/ou parfois en pain, l’une des difficultés sur le terrain, insiste, le porte-parole, concerne les incidents. « Quelques fois, c’est la chute à moto, si ce n’est pas la malchance de suivre un camion qui nous couvre de poussière ou de boue selon la saison » s’irrite M. Soh. À cela s’ajoute le fait que dans les villages, les boutiquiers ne payent pas assez « rapidement et régulièrement » les 125 FCFA que le livreur doit ramener aux boulangers. « On se retrouve donc entre la colère du boulanger et le chantage du boutiquier, qui menacent à tout moment de s’adresser à un autre livreur. »

En effet, là où les livreurs de la ville partent avec 100 pains, ceux qui ont choisi l’option des villages ne peuvent se payer le luxe de faire trois ou quatre voyages. Ils empilent donc 250 voire 300 pains en un seul voyage, poursuit Soh, le syndicaliste. En plus des deux sacs sur l’épaule, un autre est positionné sur le guidon de la moto. Une grande partie des pains sont situés à l’arrière de l’engin, en général, dans une caisse en bois et recouvert de plastique noir. S’ils prennent de la poussière, la recette est perdue. Or, les pains transportés à l’arrière de l’engin et qui sont plus importants en nombre, sont plus exposés à la poussière et doivent être emballés avec beaucoup des soins.

« Je suis livreur depuis 1995 et pour être honnête, cette activité nous permet de juste vivre, sinon, je n’encourage pas mon fils à la mener », lâche Malick, la cinquantaine largement entamée. Il estime qu’aujourd’hui, les livreurs, bien qu’ils soient « indispensables » aux boulangeries et aux ménages, constituent « le maillon faible » car peu ou mal organisés. « C’est notre marge qui a été réduite. Sinon, les boutiquiers et les boulangers s’en tirent mieux », martèle celui qui livre particulièrement dans les villages communaux, sur l’axe Gagnoa-Oumé.

Malgré les difficultés du métier, des femmes l’exercent aussi avec quelques réussites. « C’est révoltant. Avant, on nous donnait le pain à 110 FCFA et on le revendait à 125 FCFA. On avait de la clientèle, mais notre marge était faible. Depuis janvier, on nous donne le pain à 125 FCFA et nous devons le revendre à 150 FCFA. Si notre marge est aujourd’hui de 25 FCFA par pain, la clientèle a diminué, car elle boude l’augmentation de 125 à 150 FCFA », fait observer dame Bakayoko Mariam, rencontrée au niveau de la boulangerie du marché. Chaque jour, elle prend 50 pains le matin et 50 pains l’après-midi. « Mes clients habitent en majorité dans les cours communes », relève-t-elle. Les vendeuses à la criée (deux au moins) leur fournissent les pains avant le lever du jour ou soit très tôt le matin. Ici aussi, le client paye immédiatement, ou comme c’est souvent le cas, le lendemain. « On n’a pas le choix. Parfois on gagne 25 FCFA, quelquefois, non. Certains clients négocient encore dans notre petite marge, habitués qu’ils sont à payer 125 FCFA le pain », déplore la vendeuse à la criée.

Avec l’augmentation des prix du sac de farine, les livreurs réclament de nouvelles discussions avec les boulangers, en vue de revoir à la hausse leur marge bénéficiaire. Pour la responsable marketing de la boulangerie-pâtisserie « Au meilleur des pains », dame Beugré Marina, gérante de l’une des plus grandes boulangeries de Gagnoa, « les livreurs qui ne payent aucune taxe ne peuvent pas dicter leurs lois à toutes ces entreprises légalement constituées et qui ont des charges ». Elle explique que sa boulangerie est la seule à avoir opté pour un employé-livreur. Il perçoit une rémunération mensuelle fixe, plus des commissions, bénéficie de carburant pour la moto, propriété de la boulangerie. « Nous, l’essentiel de nos ventes se fait au comptoir », reconnaît Marina qui autorise son livreur à prendre le pain qu’il peut vendre, afin d’éviter les invendus.

 Que deviennent les invendus

« Il faut noter que tous les invendus sont à la charge du livreur. On parle de retour sur vente, qui représente environ 5 % du total de pains sortis dans la journée », dénoncent tous les livreurs, au vu de leur « petite » marge financière.

À Gagnoa, il existe un marché sur la voie du Collège CSK, au quartier 220, dont la singularité est la vente du « Godio », le pain rassis. Les invendus sont rétrocédés en « pain godio » aux femmes qui les revendent à 75 FCFA aux consommateurs. « Il y a en a qui préfère le pain Godio, parce que disent-ils, le Godio est plus nourrissant et d’autres s’en contentent, faute de ressources pour acheter le pain du jour à 150 F CFA », rapporte le président des boulangers, Hamza Touré. D’autres livreurs notent que ce « Godio » est aussi vendu aux éleveurs de porcs et aux pisciculteurs, très nombreux dans la zone.

(Un reportage de Dogad DOGOUI)
 DOGAD CKIHIN DOGOUI

AIP

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