Un Américain libéré après 28 ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis
Finalement innocent. Après avoir passé vingt-huit ans en prison, l’américain Lamar Johnson a été libéré, mardi, par un juge du Missouri. Il était accusé du meurtre de Marcus Boyd,
tué par balle en octobre 1994 devant son porche par deux hommes masqués. Il a fallu attendre «des preuves fiables d’une innocence réelle», a précisé le juge, David Mason, dans sa décision. Lamar Johnson, âgé de 50 ans, secouait légèrement la tête et fermait les yeux pendant l’énoncé, pendant qu’un des membres de son équipe judiciaire le réconfortait. «C’est incroyable», a-t-il réagi en sortant du tribunal, libre, selon l’agence de presse américaine AP.
Selon l’enquête initiale, le meurtre se serait produit sur fond d’affaire d’argent issu du trafic de stupéfiants. Dès le début, Lamar Johnson clamait son innocence, assurant qu’il avait passé la soirée chez sa petite amie à des kilomètres de là. Il a tout de même été condamné à la perpétuité. Un autre homme, Phil Campbell, a quant à lui plaidé coupable pour écoper d’une peine moins lourde : 7 ans derrière les barreaux.
Depuis 2019, les avocats de Lamar Johnson se battent pour qu’une nouvelle audience se tienne. En décembre dernier, Lamar Johnson a ainsi été entendu. Il a encore proclamé son innocence, et apporté une nouvelle information sur sa soirée. Il était bien chez sa petite amie, à l’exception de quelques minutes passées devant le domicile d’un ami, à plusieurs pâtés de maisons du lieu du crime, pour vendre des stupéfiants. Une version confirmée par sa petite amie de l’époque, Erika Barrow, qui soutient que Lamar Johnson s’est bien absenté cinq minutes pour sa vente. Mais la distance entre le point du deal et la scène de crime est bien trop grande pour que Lamar Johnson tue Marcus Boyd et revienne seulement cinq minutes plus tard auprès de sa petite amie.
| Aveux du meurtrier
C’est le témoignage d’un autre homme qui a fait basculer l’affaire : James Howard, âgé de 46 ans, emprisonné pour plusieurs meurtres commis trois ans après la mort de Marcus Boyd. Condamné à la perpétuité, il témoigne en décembre et avoue que lui et Phil Campbell, mort depuis, ont tous deux décidé de cambrioler Marcus Boyd, qui leur devait de l’argent issu d’un deal. James Howard atteste que Lamar Johnson n’était pas présent quand les deux hommes tirent sur Marcus Boyd - dans la nuque et le cou par James Howard, sur le côté par Phil Campbell. Les deux auteurs du crime ont même signé une déclaration sous serment pour avouer le crime et écarter Lamar Johnson il y a plusieurs années.
Un dernier témoin auditionné en décembre, James Gregory Elking, a expliqué qu’il était présent devant le porche de Marcus Boyd, à essayer d’acheter de la cocaïne, quand James Howard et Phil Campbell sont arrivés sur place le soir du meurtre. Lors de ses premières auditions, James Gregory Elking avait assuré ne pas reconnaître les deux criminels. Lors d’une séance d’identification, il s’est dit incapable de désigner les meurtriers, mais «harcelé» et «mis sous pression» par la police, il finit par identifier Lamar Johnson comme l’un des tireurs. James Gregory Elking s’est dit «hanté» sur son rôle dans la condamnation de Lamar Johnson.
A l’époque de la condamnation, en 1995, l’identification de James Gregory Elking et une conversation entendue en prison constituaient les principaux éléments contre Lamar Johnson. Un gardien de prison assurait avoir entendu Lamar Johnson et Phil Campbell discuter et l’un d’eux dire : «Nous aurions dû abattre ce Blanc», en parlant de James Gregory Elking.
| La difficulté d’avoir un nouveau procès
Malgré les nouveaux témoignages et aveux qui innocentaient Lamar Johnson, le bureau du procureur général d’Etat, dirigé par les Républicains, s’est battu pour le garder derrière les barreaux. «Notre bureau a défendu la règle de droit et s’est efforcé de maintenir le verdict initial qu’un jury composé des pairs de Johnson a jugé approprié sur la base des faits présentés au procès», avait souligné Madeline Sieren, une porte-parole du bureau, dans un mail écrit.
En mars 2021, la Cour suprême du Missouri avait aussi refusé d’ouvrir un nouveau procès pour Lamar Johnson, car le délai était trop long depuis le premier jugement. L’affaire avait conduit à la création d’une loi d’Etat qui facilite l’ouverture d’audience aux prévenus quand il existe des preuves d’une condamnation injustifiée. La loi avait permis la libération d’un autre prévenu en 2022, emprisonné pendant quarante ans pour triple meurtre. Désormais libre, Lamar Johnson compte retrouver sa famille et profiter d’expériences dont il a été privé.
Source: Liberation.fr