Le chocolat, bientôt produit de luxe ? La Côte d'Ivoire et le Ghana, principaux pays producteurs mondiaux, ont subi de mauvaises récoltes. Le cacao manque et augmente plus vite que toute autre matière première, en bourse. Les producteurs, souvent pauvres, aimeraient bénéficier de la forte demande. Le chocolat va-t-il devenir un produit de luxe ? "Le prix du cacao augmente plus vite que toute autre matière première",
titre la Süddeutsche Zeitung. Le quotidien allemand nous permet d'explorer les difficultés de toute une filière, justement surnommée "l'or brun", de la Côte d'Ivoire et du Ghana, principaux pays producteurs mondiaux, qui ont subi de mauvaises récoltes, jusqu'aux pays consommateurs, en Europe notamment. "Quatre millions de barres carrées de chocolat quittent chaque jour l'usine Ritter Sport de Waldenbuch", près de Stutgartt, mais le fabricant allemand craint désormais pour son approvisionnement, explique la Süddeutsche Zeitung, car "le cacao devient de plus en plus rare et de plus en plus cher sur le marché mondial". L'Allemagne est le plus grand exportateur mondial de produits chocolatés.
"Le prix du cacao a franchi le mur du son" : sur les marchés financiers, le prix du cacao a plus que doublé en un an, rapportent le Wall Street Journal et la BBC. On constate même des "achats paniqués", selon la Süddeutsche Zeitung : "à la bourse des matières premières de Londres, qui est, avec New York, le point d'échange le plus important pour le cacao brut, le prix du cacao à Londres a dépassé pour la première fois son record de 1977". Le 8 février, une tonne de cacao coûtait 4 660 livres sterling, l'équivalent de 5 450 euros. Hier, "le prix a franchi le mur du son en dépassant les 5 000 livres sterling", écrit la Süddeutsche Zeitung. Avec plus de 150 % de hausse en un an, le cacao est la matière première qui a le plus augmenté en un an, loin devant le baril de pétrole, précise le quotidien allemand.
Les racines de la crise se trouvent en Afrique de l’Ouest : La Côte d'Ivoire et le Ghana, qui assurent les deux tiers de la production mondiale de cacao, enregistrent leur troisième mauvaise récolte consécutive, précise la Süddeutsche Zeitung.
34 % de fèves de cacao en moins arrivent dans les ports ivoiriens, cette saison, par rapport à l'an dernier. La Côte d'Ivoire et le Ghana ont souffert du dérèglement climatique, mais aussi à cause d'El Niño et ses phénomènes météo extrêmes, des périodes de sécheresse suivies de pluies torrentielles, rapportent la Süddeutsche Zeitung, le Guardian et le Financial Times. Or, les cacaoyers n'aiment pas les conditions climatiques extrêmes. Ils sont tombés malades, des terres cultivées ont été perdues.
L'offre baisse, mais la demande demeure et les consommateurs en payent déjà le prix en Europe, indiquent le Guardian et la BBC : le géant du chocolat Hershey, aux États-Unis, pourrait bien augmenter ses prix, tout comme Cadbury, au Royaume-Uni. En décembre, le groupe de consommateurs britannique Which? a déclaré que le prix de certaines boîtes de chocolats festives avait augmenté d'au moins 50 % en un an. En fin d'année dernier, le Guardian précisait que "les prix du chocolat ont également été tirés vers le haut par l'augmentation des coûts du sucre, également due au mauvais temps, ainsi que par la hausse des coûts d'emballage et de transport liée au prix du pétrole. Les prix en Hongrie ont grimpé en flèche - de 56 % depuis 2020 - reflétant l'inflation plus large des prix des denrées alimentaires dans le pays en raison d'un mélange de difficultés économiques qui ont affecté les taux de change et de problèmes locaux tels que les contrats d'énergie à long terme avec la Russie."
Autres défis : la rémunération des producteurs et la traçabilité du cacao pour lutter contre la déforestation
L’Europe, responsable de 60 % de la consommation mondiale de cacao, va interdire, à la fin de l'année, la mise sur le marché de produits ayant contribué à la déforestation, souligne la Süddeutsche Zeitung. Pour assurer la traçabilité des fèves de cacao, il faut identifier les planteurs en Côte d'Ivoire, pays qui compte un million de producteurs. Des cartes professionnelles leurs sont délivrées par des agents du recensement, capables de parler en baoulé, malinké, agni, bété, comme l'explique un reportage sur la RTI, la radiotélévision publique ivoirienne. Avant de délivrer ces cartes, il a fallu recenser, pendant des mois - et le travail continue -, chaque plantation de cacao qui ne participe pas à la déforestation. Roland Kan Koff, délégué régional du Conseil Café-Cacao, l'organisme de réglementation du secteur en Côte d'Ivoire, raconte comment des agents du recensement sont partis dans les champs, avec des GPS, pour géolocaliser les plantations de cacao, les cartographier et attester que les fèves ne sont pas issues de la déforestation. Les sacs de fèves sont ensuite scellés et scannés, détaille la RTI, pour éviter les trafics et assurer la traçabilité, notamment au niveau des coopératives ivoiriennes et des exportateurs internationaux.
Les producteurs de cacao, souvent pauvres, demandent à être mieux payés, en raison de la hausse des prix sur les marchés, et des nouveaux efforts de traçabilité. Les nombreux petits agriculteurs d’Afrique de l’Ouest ne profitent guère du boom actuel des prix, souligne la Süddeutsche Zeitung : "le cacao qu'ils apportent aux ports était déjà vendu il y a un an par le biais de contacts à terme à moitié prix. Les gouvernements du Ghana et de la Côte d'Ivoire réglementent et contrôlent également le marché intérieur. Ils garantissent aux agriculteurs des prix fixes, mais ils sont aujourd'hui bien inférieurs aux prix du commerce mondial. Selon le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement, les agriculteurs ne reçoivent que six à sept centimes sur un euro que coûte, en Allemagne, une barre de chocolat au lait. Malgré le boom, de nombreux agriculteurs continuent de vivre dans une pauvreté extrême et de recourir au travail des enfants." Le président du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire, cité par le journal en ligne ivoirien L'Infodrome en début d'année, estime que "le gouvernement a échoué dans sa politique vis-à-vis des producteurs de cacao". Les autorités devraient, selon lui, fixer au plus vite un nouveau prix d'achat du cacao, vu la forte demande actuelle. Mais L'Infodrome a précisé, au début du mois, que ce syndicaliste a été convoqué par les autorités, pour un motif encore inconnu.
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