Dans la prison pour jeunes de Leiria, le projet «Opéra en prison» permet aux détenus de découvrir l'art et la musique pour faciliter leur réinsertion. La récidive criminelle est un problème persistant dans plusieurs pays.
Dans de nombreux cas, les personnes qui ont purgé leur peine et qui ont été libérées finissent par réintégrer le système carcéral. En Europe, le taux peut varier de 21 à 63% en fonction des pays et du mode de mesure, selon les statistiques du site World Population Review.
Face à ce problème structurel, de nombreuses études mettent en évidence les bienfaits de la musique. D'où la création de «Opéra en prison», mené par la Musical Artistic Society of Pousos (SAMP, Société artistique musicale de Pousos) dans la prison pour jeunes de Leiria, au Portugal, qui accueille des détenus âgés de 16 à 21 ans. Cette «prison-école», créée dans le but de favoriser la rééducation et la réinsertion sociale des jeunes afin d'éviter qu'ils ne retombent dans le système carcéral, est unique en son genre dans le pays.
Monter des représentations d'œuvres d'opéra en milieu carcéral: l'idée peut paraître originale, voire utopique. L'action menée par la SAMP depuis 2004 démontre pourtant que cela est non seulement réalisable, mais aussi vertueux pour les détenus, qui en ressentent encore l'impact bien après la fin des applaudissements et le baisser de rideau.
João* y contribue depuis 2019. «J'avais l'habitude de faire du beatbox dans la rue, mais quand je suis arrivé ici et que j'ai vu des micros, des enceintes, cela m'a tout de suite plu», confie-t-il. Au fil des ans, il a participé à différentes représentations. Il se souvient de l'émotion ressentie en voyant sa photo imprimée sur une chemise, ce qui a provoqué la fierté de sa famille et lui a procuré un sentiment d'appartenance. «C'est une bonne expérience. J'ai beaucoup évolué, j'ai beaucoup appris aussi.» Il explique que ce projet lui a permis de surmonter sa timidité, de développer des compétences et de gagner en confiance. «J'ai appris à apprécier les petites choses.»
Pedro* et Rui* ont tous deux rejoint le mouvement, mais pour des raisons différentes. Lors de son incarcération, Pedro a suivi à distance le cours de musique et de numérique de l'Institut polytechnique de Leiria. Il a intégré «Opéra en prison» en tant que stagiaire, y voyant l'opportunité d'acquérir l'expérience professionnelle nécessaire à l'obtention de son diplôme. «Ce projet m'a permis d'évoluer professionnellement, en tant que technicien du son, d'acquérir des compétences en matière de communication et d'apprendre à travailler en groupe.» Une initiative qui lui a également fait prendre confiance en lui. Il souligne que la transformation de la salle, le Pavillon Mozart, en auditorium, lui a donné l'impression de se trouver «dans un vrai théâtre».
Rui, quant à lui, s'est inscrit il y a un an et son intérêt n'a cessé de croître. Il a notamment pu réaliser son «rêve». «J'ai chanté avec ma sœur sur scène, c'était un moment d'une intensité et d'une émotion rares. J'ai ressenti beaucoup de gratitude.» Il a aussi appris à connaître et respecter les différentes cultures présentes en prison. «Interagir avec des personnalités différentes est précieux dans le cadre du projet de réinsertion.»
Contrôler ses impulsions
La promotion de l'éducation, de la formation professionnelle et de l'accès aux offres d'emploi joue un rôle essentiel dans la prévention du risque de récidive et dans la réinsertion des jeunes dans la société. Utiliser l'opéra est donc logique. Deux fois par semaine, David Ramy, membre de la SAMP et coordinateur d'«Opéra en prison» sur le terrain, invite les détenus à chanter avec lui, en adoptant une approche passionnée et sans préjugés.
Il travaille non seulement directement avec les détenus, par le biais de l'enseignement musical, mais également avec leurs familles. «Ce projet se déroule à 40% ici et à 60% à Amadora, à Sintra, leurs villes d'origine, la plupart étant issus des quartiers», explique David Ramy. Pour lui, l'opéra permet d'apprendre à «contrôler ses impulsions». Depuis trois ans, l'initiative permet aux participants d'apprendre à chanter et à réfléchir avant d'agir.
«La figure clé est la main du chef d'orchestre. Il apprend à chanter et à respirer avant la note. On ne chante pas quand on veut. On respire, on pense à la note et on émet le son. C'est ce qu'on appelle le contrôle des impulsions. Nous partons du principe que 95% des jeunes de 16 à 23 ans qui se trouvent ici ne savent pas contrôler leurs impulsions. Pendant trois ans, à raison de deux fois par semaine, ils s'entraînent. Ensuite, lors d'une situation désagréable, avant de chanter la note, ils se rappellent de la nécessité de garder le contrôle.»
Les groupes se sont déjà produits sur différentes scènes. Une quarantaine de jeunes ont présenté leur adaptation de l'opéra de Mozart Così fan tutte. Selon David Ramy, la SAMP tente de combler le fossé entre les détenus libérés et les offres d'emploi dans le secteur de la musique. «Nous sommes la source. La musique vient d'ici, la danse également, nous faisons venir des chanteurs, des peintres, des metteurs en scène, et nous faisons le pont. Nous travaillons avec de nombreux orchestres et professeurs. Ces intervenants forment un réseau de contacts qui aide les détenus.»
La participation à «Opéra en prison» est bénévole. Joel Henriques, coordinateur de l'éducation et de la formation au sein de la prison, y prend part depuis 2016 et le décrit comme «une expérience très enrichissante, à la fois pour la communauté carcérale et pour les jeunes qui font partie du projet. Ils commencent à comprendre qu'ils bénéficient de certains avantages, non seulement personnellement, puisqu'ils développent de nouvelles compétences, mais aussi de manière plus globale, puisque cela permet à la société de les considérer autrement.»
Les répétitions et les représentations ont lieu dans le Pavillon Mozart. Le bâtiment de la prison a été réhabilité grâce au financement de l'Union européenne, dans le cadre du programme d'innovation sociale du Portugal en 2021. La salle de répétition et de représentation est désormais équipée d'une scène, de fauteuils, d'un ordinateur et de divers instruments tels qu'une batterie, un piano et une guitare.
Nádia Pedro — Traduit par Maud Cigalla
Slate