Bien qu'attendue, l'annonce du retrait de Joe Biden de la course à la présidentielle américaine vient bousculer une campagne déjà mouvementée. À quatre mois du scrutin, voilà les démocrates forcés de désigner un nouveau candidat.
Une course contre la montre dans laquelle les prétendants vont devoir, très rapidement, se mettre dans les starting-blocks. Avec un Donald Trump qui surfe sur son électorat galvanisé, les démocrates n'ont pas de temps à perdre.
En théorie, le nouveau candidat devrait être intronisé lors de la convention du parti démocrate, du 19 au 22 août, à Chicago. C'est là que Joe Biden, désigné lors d'une série de primaires de janvier à juin, aurait dû être officialisé. Suite à son retrait, il semble improbable, au vu du temps restant avant l'élection, que les démocrates attendent jusque-là pour livrer aux Américains le nom de leur candidat. Et même en cas de consensus sur l'identité de ce dernier, le processus reste technique.
« Je ne vais nulle part » : Joe Biden à l’offensive malgré les doutes
Tout repose en effet sur les 3900 délégués du parti, désormais libres de choisir leur candidat. Le président du parti démocrate, Jaime Harrison, a promis un processus « transparent et discipliné pour aller de l'avant, en tant que Parti démocrate uni ». « Nos délégués sont prêts à prendre leur responsabilité de manière sérieuse pour présenter rapidement un candidat au peuple américain », a-t-il assuré.
Kamala Harris, un atout ou un poids ?
Car la tâche qui attend le ou la future candidature est rude : il s'agit de se faire connaître auprès de 250 millions d'Américains en l'espace de trois mois. Joe Biden a officiellement soutenu sa vice-présidente, Kamala Harris (dont rien ne prévoit qu'elle soit automatiquement, en tant que colistière, la candidate). Celle-ci a déjà affirmé son ambition de « remporter l'investiture » et « battre Trump ». En tant que vice-présidente du pays, elle a évidemment un coup d'avance d'un point de vue médiatique. Elle a sillonné le pays depuis des mois pour la campagne de Joe Biden et a déjà reçu le soutien de nombreux élus démocrates
Mais rien ne dit que cela lui sera favorable : le camp républicain entend bien en faire une cible prioritaire et elle aura probablement à assumer un bilan présidentiel que les Républicains n'auront de cesse d'attaquer. D'autres candidats, moins médiatisés et moins visés par leurs adversaires, sont à l'affût, comme le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, très apprécié au sein de son parti, ou encore les gouverneurs du Michigan, Gretchen Whitmer, et de Pennsylvanie, Josh Shapiro.
Une fois le ou la candidate désigné(e), restera un problème important : les fonds levés pour la campagne de Joe Biden. En effet, d'un point de vue légal, ils ne peuvent être simplement et facilement transférés à un autre candidat. Le nom de Kamala Harris figurant déjà sur des documents officiels de la campagne de Joe Biden, certains experts pensent qu'il sera plus facile de lui attribuer ces fonds. Une enveloppe qui s'élève, selon la directrice de campagne de Joe Biden, Julie Chavez Rodriguez (citée par NBC), à 91,2 millions de dollars au 31 mai. Une coquette somme donc.
Les Républicains envisagent des actions en justice
Mais les Républicains entendent bien, là aussi, venir troubler la fête. Selon le New York Times, le comité national républicain examine la possibilité de poursuites judiciaires liées au transfert et à l'utilisation des fonds de la campagne. Ils pourraient par exemple s'attaquer à des donateurs qui, ayant déjà atteint la limite de 6000 dollars pour la campagne de Joe Biden, voudraient faire de nouveaux dons à Kamala Harris. Des poursuites qui, même si elles n'arrivaient pas à terme, pourraient venir perturber la campagne démocrate déjà dans le creux de la vague.
Quoi qu'il en soit, le retrait de Joe Biden, bien qu'attendu (voire espéré) met les démocrates dans une situation instable. Cet événement historique (il y eut Harry S. Truman en 1952 et Lyndon B. Johnson en 1968 dans le même cas) le sera d'autant plus en fonction de ce qui va désormais se passer. Qui pourra consolider le parti et unifier les Américains à trois mois du scrutin ? Comment éviter une guerre interne ? Le mardi 5 novembre, date du scrutin majeur, n'a jamais dû sembler aussi proche au Parti démocrate.
Thomas Graindorge
Le Point