Dans une déclaration empreinte de conviction, Honorable Kouamé Yao Séraphin, député de la Nation, a lancé un vibrant appel en faveur de la reconnaissance des droits et de la dignité des députés suppléants. Loin d’être une revendication marginale, cette demande soulève des questions essentielles de justice, d’équité et d’humanité dans le fonctionnement du Parlement ivoirien.
En Côte d’Ivoire, le rôle des députés suppléants reste encadré par une législation limitative, qui en fait des acteurs invisibles du paysage parlementaire. Pourtant, leur implication avant et après les élections est indéniable. Souvent surnommés « faiseurs de députés », les suppléants jouent un rôle crucial pendant les campagnes électorales, épaulant les candidats titulaires à travers le pays. Mais une fois les élections terminées, ils se retrouvent relégués à l’arrière-plan, sans statut officiel ni rémunération, bien qu’ils continuent à représenter localement leurs titulaires et à mener des missions pour le compte de l’Assemblée nationale.
Le système de suppléance parlementaire, qui existe depuis plus de deux siècles dans des pays comme l’Espagne, la Belgique, la Suisse ou la France, confère aux suppléants un rôle plus actif et, dans certains cas, des avantages financiers. En France, par exemple, les suppléants peuvent percevoir un salaire sur le budget de fonctionnement des députés titulaires, bien que ce modèle soit encore débattu. Ce traitement contrastant avec la réalité ivoirienne souligne l’urgence d’une réforme.
Actuellement, les suppléants ivoiriens n’ont aucun pouvoir, aucun salaire et ne bénéficient d’aucune allocation, sauf en cas de remplacement temporaire d’un député titulaire nommé au gouvernement. Cette précarité pousse certains à militer pour une reconnaissance officielle et un statut législatif, malgré les obstacles rencontrés. En 2016, le Conseil constitutionnel avait jugé illégale leur tentative de s’organiser en association, sans pour autant diminuer leur détermination.
Pour Honorable Kouamé Yao Séraphin, il est inadmissible que des élus de la Nation, ayant contribué activement à l’élection des députés titulaires, soient abandonnés à leur sort. Selon lui, il ne s’agit pas d’une question de décence financière pour ces suppléants, qui sont souvent des personnes ayant déjà une situation professionnelle confortable, mais d’une reconnaissance institutionnelle et humaine.
Dans sa déclaration, il propose des mesures concrètes : l’octroi d’un passeport de service, voire diplomatique, pour les suppléants, l’émission d’attestations officielles de leur statut et l’instauration d’une indemnité forfaitaire, soit directement par l’Assemblée nationale, soit sur le budget de fonctionnement des députés titulaires. Ces réformes permettraient non seulement de redonner leur dignité aux suppléants, mais aussi d’optimiser le fonctionnement du Parlement en leur offrant les moyens d’assumer pleinement leurs responsabilités.
Les opposants à ces réformes craignent une éventuelle indépendance financière des suppléants, pouvant alimenter des ambitions politiques rivales. Une critique que le député qualifie de fallacieuse, insistant sur le fait que la reconnaissance des suppléants ne saurait être un frein à la cohésion parlementaire, mais plutôt un levier pour améliorer leur efficacité.
Pour Honorable Kouamé Yao Séraphin, le mépris envers les députés suppléants a assez duré. Leur rôle dans le travail parlementaire, bien que souvent sous-estimé, est essentiel. Il est grand temps que le législateur agisse pour leur rendre la dignité qu’ils méritent et faire de leur fonction une composante respectée de la représentation nationale.
Estelle Mintanie