Les marchés émergents sont en phase de correction sensible cette année, notamment Shanghai (-48%) et le Vietnam (-57%). Une fois de plus, l'investisseur constate une dichotomie entre l'expansion économique et l'évolution des actions.
Il existe pourtant des marchés d'actions qui échappent à la morosité ambiante. C'est le cas de l'Afrique, mais pas de l'ensemble du continent. L'indice de l'Afrique du Sud est dans les chiffres rouges cette année.
En fait, c'est la région que plus personne n'analysait qui progresse, l'Afrique subsaharienne (sans l'Afrique du Sud).
New Star, un gérant d'actifs basé à Londres, a lancé à la fin de l'an dernier un fonds sur cette région (New Star Heart of Africa) et son rendement atteint 13% depuis le début décembre. Non seulement la courbe est orientée à la hausse, mais la volatilité est bien moindre que celle des grands indices internationaux. La fortune du fonds s'accroît en conséquence et dépasse les 120 millions de francs. Jamie Allsopp, son gérant, qui suit les entreprises africaines depuis 2005, observe d'une part que la région profite des mêmes atouts que la plupart des pays émergents (abondance de ressources au Nigeria par exemple), d'autre part qu'elle possède des entreprises bien placées pour profiter de l'augmentation du pouvoir d'achat.
Rencontré à Londres, le gérant est intarissable sur les signes de prospérité croissante de sa région de prédilection.
L'Afrique profite de l'intérêt croissant des sociétés chinoises, à travers des investissements directs. On parle de 100 milliards de dollars d'échanges avant 2010. Cela représenterait une multiplication par dix en une décennie. Les gisements de pétrole angolais et les mines d'or ghanéennes présentent un intérêt évident lorsque le pétrole vole de record en record. L'Afrique profite aussi d'investissements dans des processus jusqu'ici réservés à d'autres régions du monde. De Beers ouvre une unité de tri du diamant au Botswana, au tour de laquelle graviteront des entreprises de taille et de polissage. Ces opérations étaient précédemment confiées à des acteurs londoniens.
L'environnement commercial africain s'est aussi amélioré. Le Ghana, le Kenya et l'île Maurice se sont vu décerner le prix de l'«International Finance Corporation», un institut qui appartient à la Banque mondiale.
Le célèbre investisseur Jim Rogers, l'un des premiers à avoir recommandé les matières premières et la Chine, se plaint de l'abondance de gérants de fonds spécialisés sur l'Afrique qui volent de pays en pays à la quête de sociétés sous-évaluées. Jamie Allsopp ne partage pas cette opinion. Les risques sont supérieurs à la moyenne en raison de possibles troubles politiques (Kenya par exemple). Mais la dette de plusieurs pays a été réduite et les projets d'infrastructures se multiplient.
Le gérant du fonds privilégie le Nigeria (26% du portefeuille), le Kenya (10%), l'ìle Maurice et le Ghana. Mais son analyse et sa sélection ne sont pas indicielles. Il tente de dénicher les actions les plus sous-évaluées et s'intéresse à des sociétés aux modèles d'affaires simples et à la technologie traditionnelle. C'est le cas des secteurs de l'agroalimentaire, de la brasserie, du crédit bancaire, de la téléphonie mobile.
La première position du fonds est Zambeef Products, le premier producteur de viande de Zambie, devant le groupe minier Central African Mining & Exploration et Ecobank International.
L'absence de liquidité des actions de sociétés africaines est sans doute un handicap majeur. C'est l'une des raisons qui explique que plusieurs sociétés sont cotées à Londres ou au Canada.
Emmanuel Garessus
Le Temps